L’art

La vie artistique des artistes à Labeaume

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De tous temps, certains artistes : peintres et sculpteurs, ont recherché et découvert des lieux habités, favorables à leur travail de créateurs – Pour moi et quelques amis, c’est ici à Labeaume que nous avons trouvé l’atmosphère et le calme nécessaires ! ! !… A l’époque héroïque du village !

En ce temps là, 1950 – 1960, le maître Alexandre Chem, parallèlement à son œuvre de graphiste, mettait au point une série admirable de peintures et de collages.

Il fut bientôt suivi par ses voisins : Hanna Ben Dov et Reginald Pollack. Ben Dov, très connue en Israël et à Paris poursuit des recherches très pointues autour de l’abstraction lyrique. Pollack, lui, après plusieurs années ici, est parti exprimer son œuvre aux Etats Unis, une œuvre poétique et marginale.

Moi, au retour en 1952, d’un long séjour au Soudan comme Géologue, c’est ici en découvrant le village du haut de la Théoule, que ma vocation de peintre s’est dessinée. Ceci explique mon attachement profond à ce village, malgré les atteintes actuelles à sa beauté initiale.

Bien vite, des amis de Montparnasse sont venus nous rejoindre durant quelques années ! Boggratchev et Cardin, Coutelas, Doucet, David Lan Bar, Damian, au point de constituer un phalanstère.

Boggatchev tout en devenant un sculpteur apprécié est devenu l’un des experts de gravures anciennes les plus reconnues. Jacques Doucet, récemment disparu, appartenait au Groupe Cobra. Il a participé à toutes les grandes manifestations internationales et exposait régulièrement à la galerie Dina Vierny, puis à la Galerie Ariel à Paris.

Damian a représenté l’an dernier, son pays la Roumanie, à la biennale de Venise. Quant à Lan Bar qui a séjourné longtemps chez Madame Lunel, à l’entrée du village, c’est un des artistes israéliens les plus en vue…

Amis de longue date, Pollack Pelayo, Lan Bar et moi, souhaitions glorifier notre amitié en réalisant un tableau en commun.

On choisit un sujet banal : Vase de fleurs. Chacun de nous, après avoir peint durant un quart d’heure (comme aux jeux d’échecs), passait le pinceau au suivant qui s’empressait de modifier ce que l’autre avait peint.

Un éclat de rire clôtura notre échec… échec prévisible car toute création artistique est un acte individuel.

Autour des années 70, une nouvelle génération de peintres est venue s’installer ici : Brigitte Simon et Charles Marc, qui parallèlement à leur travail de maîtres verrier à Reims (exécution des vitraux de Marc Chagall), poursuivait lors de leur séjour à Champ – Renard une œuvre picturale très originale qu’ils  exposent très régulièrement galerie Jacob à Paris.

Venant de Douai où il enseigne, Szymczak exprime depuis plus de vingt ans ici, une facture synthétique entre la figuration et l’abstraction.

Plus récemment encore, un jeune artiste de grand talent, Philippe Judlin s’est installé près de L’Abeille où il édifie une oeuvre à la lisière de l’Art Brut.

Un jeune artiste labeaumois, Christian Jacques, pratique en virtuose la sculpture métallique.

Après Ben Dov, qui chaque année depuis plusieurs décennies peaufine une œuvre abstraite très personnelle, d’autres artistes femmes ont élu domicile à Labeaume durant quelques années. C’est le cas d’Akiko Toriumi, japonaise, élève du maître Key Sato qui expose régulièrement à Paris à la galerie Budé et vient d’obtenir le Prix Maratier. C’est aussi celui de Véronique Wirbel, disparue tragiquement après avoir connu un succès considérable, effectué de nombreuses expositions à la Galerie Bercovi et obtenu le premier prix de la ville de Vitry.

Lidia Syroka, d’origine polonaise, revient chaque été depuis plus de 10 ans à Labeaume et réalise une œuvre importante. Elle découpe, teint, colle, arrache, juxtapose le papier tibétain. A plusieurs reprises elle s’est manifestée dans des galeries parisiennes et la FIAC.

C’est grâce à Chem que j’ai découvert l’importance de la peinture naïve. Comme je m’étonnais de voir accroché à son mur un superbe paysage représentant la Grotte aux Chères, Chem m’éclaira sur l’auteur du tableau qui faisait mon admiration. Mirabel, à l’heure de la retraite s’était mis à reproduire à sa façon tous les aspects du village. De ce jour, je devins un admirateur et un collectionneur de peintures naïves… dignes de ce nom.

Ce rapide tour d’horizon des artistes ayant œuvré à Labeaume est  sans doute incomplet. A Ruoms, le tailleur de pierre Dupland parsemait son jardin de sculptures en calcaire représentant tous les animaux de sa basse cour ardéchois. Perlin Robert, sur son rocher de Sampzon, encore une personnalité hors du commun… Il maçonne et agglutine tous matériaux épars sur d’improbables planches et socles bleus.

Avec Gérard Lattier, nous avons communié grâce à de superbes ex-voto qui trônaient dans une brocante à Barjac. Il vient de peindre quarante tableaux sur le thème de la bête du Gévaudan  qui font l’objet d’un superbe album. En plus de les illustrer magistralement, Lattier, si on le pousse un peu, vous les raconte avec le même talent qu’il a mis à les peindre. Un peu plus loin à Maison Neuve, un autre représentant de l’art brut, Gurlhie édifiait partout des totems de mortier et de tôle qu’il n’hésitait pas à installer au bord de la route sur des grillages. Lui-même se statufiait grimpé sur un animal fantastique. Que ce soit en Europe ou en Amérique, l’art actuel semble avoir atteint un tel degré de sophistication que c’est peut – être par la voie de l’art naïf, de l’art populaire ou de l’art brut que s’effectuera un renouveau en peinture.

Yankel

Bulletin Municipal de Labeaume, LE LABEAUMOIS, n°7, mars 1997

 


 

Hanna BEN DOV

hanna-ben-dov« Hanna Ben Dov appartenait à cette lignée de peintres qui révolutionnèrent l’art du XXème siècle. Dans sa peinture, elle a toujours exprimé cette force intérieure qui libère les forces extérieures. Elle disait : « l’artiste connaît lui-même l’évidence d’un état d’être où le monde extérieur et son monde intérieur se croisent pour n’en faire qu’un ».  Elle était amie avec la peintre américaine Joan Mitchell qui réalisait des tableaux de format mural et vivait à Giverny, patrie de Monet.  Pour sa part, Hanna Ben Dov avait choisi des formats plus humbles mais qui n’en exprimaient pas moins de force.
C’était une travailleuse acharnée qui a consacré toute sa vie à son art. Quand elle venait à Labeaume, elle ne quittait guère son atelier que pour la baignade, ou une petite visite à Yankel ou à quelques amis. Elle vivait maigre, même à Paris où sa vieille 2CV la conduisait à La Ruche peindre inlassablement. Elle y louait deux ateliers voisins pour un prix modique (l’un avait été occupé par Kikoïne – père de Yankel – et l’autre par Marc Chagall). Les autres peintres de La Ruche s’étonnaient de son impassibilité et d’une sorte de discrétion sur son art abstrait.
Elle a pourtant fait de nombreuses expositions à Paris et à l’étranger.
Son œuvre et sa carrière sont exceptionnelles.
Dans ses dernières années, elle vivait en maison de retraite. A son décès, son matériel et ses œuvres restantes furent entreposés chez un commissaire-priseur.
Par testament, elle en avait fait don à la mairie de Labeaume. »

Texte de Claude Szymczak dit « ZYM »

Bulletin Municipal de Labeaume, LE PETIT LABEAUMOIS, n°5, mai 2011